Théophile Gautier, Le chevalier double (1829)
Texte 1
Une visite troublante.
Le registre fantastique introduit le lecteur dans un univers étrange. Le fantastique suppose l’irruption d’un fait inquiétant et inexplicable dans le monde rationnel où nous vivons : la perception habituelle du monde est bouleversée, le malaise et la peur s’installent. La visite du « maître chanteur » est vécue comme un malaise...
Qui rend donc la blonde Edwige si triste ? Que fait-elle assise à l’écart, le menton dans sa main et le coude au genou, plus morne que le désespoir, plus pâle que la statue d’albâtre qui pleure sur un tombeau ?
Du coin de sa paupière une grosse larme roule sur le duvet de sa joue, une seule, mais qui ne tarit jamais ; comme cette goutte d’eau qui suinte des voûtes du rocher et qui à la longue use le granite, cette seule larme, en tombant sans relâche de ses yeux sur son cœur, l’a percé et traversé à jour.
Edwige, blonde Edwige, ne croyez-vous plus à Jésus-Christ le doux Sauveur ? Doutez-vous de l’indulgence de la très sainte Vierge Marie ? Pourquoi portez-vous sans cesse à votre flanc vos petites mains diaphanes, amaigries et fluettes comme celles des Elfes et des Willis ?
Vous allez être mère ; c’était votre plus cher vœu ; votre noble époux, le comte Lodbrog, a promis un autel d’argent massif, un ciboire d’or fin à l’église de Saint-Euthbert si vous lui donniez un fils.
Hélas ! Hélas ! La pauvre Edwige a le cœur percé des sept glaives de la douleur ; un terrible secret pèse sur son âme. Il y a quelques moins, un étranger est venu au château ; il faisait un terrible temps cette nuit-là : les tours tremblaient dans leur charpente, les girouettes piaulaient, le feu rampait dans la cheminée, et le vent frappait à la vitre comme un importun veut entrer.
L’étranger était beau comme un ange, mais comme un ange tombé ; il souriait doucement et regardait doucement, et pourtant ce regard et ce sourire vous glaçaient de terreur et vous inspiraient l’effroi qu’on éprouve en se penchant sur un abîme. Une grâce scélérate, une langueur perfide comme celle du tigre qui guette sa proie, accompagnaient tous ses mouvements ; il charmait à la façon du serpent qui fascine l’oiseau.
Cet étranger était un maître chanteur ; son teint bruni montrait qu’il avait vu d’autres cieux ; il disait venir du fond de la Bohême, et demandait l’hospitalité pour une nuit seulement.
Il resta cette nuit, et encore d’autres jours et encore d’autre nuits, car la tempête ne pouvait s’apaiser, et le vieux château s’agitait sur ses fondements comme si la rafale eût voulu le déraciner et faire tomber sa couronne de créneau dans les eaux écumeuses de torrent.
Pour charmer le temps, il chantait d’étranges poésies qui troublaient le cœur et donnaient des idées furieuses ; tout le temps qu’il chantait, un corbeau noir vernissé, luisant comme le jais, se tenait sur son épaule ; il battait la masure avec son bec d’ébène, et semblait applaudir en secouant ses ailes. -Edwige pâlissait, pâlissait comme les lis du claire de lune ; Edwige rougissait, rougissait comme les roses de l’aurore, et se laissait aller en arrière dans son grand fauteuil, languissante, à demi morte, enivrée comme si elle avait respiré le parfum fatal de ces fleurs qui font mourir.
Enfin le maître chanteur pu partir ; un petit sourire bleu venait de dérider la face du ciel. Depuis ce jour, Edwige, la blonde Edwige ne fait que pleurer dans l’angle de la fenêtre.
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Lecture analytique 1
1. Compréhension : a- Comment le personnage décrit au début du texte s’appelle-t-il ? b- Par quel mot est-il caractérisé ?
2. Grammaire : a- Donnez la nature et la fonction de ce mot. b- Relevez dans la deuxième phrase deux mots de la même nature grammaticale que celui de la première ligne. c- Ont-ils la même fonction ? d- Quel champ lexical forment-ils ?
3. Grammaire : a- A quel type de phrase les deux premières lignes sont-elles présentées ? b- Relevez d’autres phrases du même type. c- Qui parle dans les deux cas ? A- un personnage de l’histoire B- un narrateur omniscient d-Justifiez votre réponse.
4. Compréhension : Remplissez le tableau suivant à partir du texte :
Indicateur de temps
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Indicateur de lieu
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Personnage
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5. Compréhension : a- Quels sont les mots qui ont une signification religieuse dans ce passage ? b- Pourquoi le narrateur fait-il allusion (référence) à la religion ? A- le personnage est hanté (ensorcelé) B- le personnage devrait faire confiance à Dieu contre les forces maléfiques C- le personnage a peur sur l’avenir de son enfant. Choisissez la ou les bonnes réponses.
6. Conjugaison : « ...cette goutte d’eau qui suinte des voûtes du rocher et qui à la longue use le granite... » a- A quel temps les verbes sont-ils conjugués ? b- Quelle est leur valeur ? c- Relevez d’autres verbes de la même valeur.
7. Compréhension : Le comte Lodbrog a promis deux récompenss à l’église s’il aurait un « fils » : « …un autel d’argent massif, un ciboire d’or fin… ».
1. Compréhension : a- Le narrateur finit-il par donner la raison des pleures de l’héroïne ? Justifiez votre réponse b- Par quel indicateur temporel fait-il un retour en arrière ?
2. Compréhension : Quelle est l’autre expression qui désigne « l’étranger » ? L’autre expression qui désigne « l’étranger » : « Cet étranger était un maître chanteur… »
3. Vocabulaire : a- Relevez le champ lexical de la peur. (Six mots) b- Qu’inspire l’arrivée de l’étranger ?
4. Conjugaison : a- Par quel temps verbal le climat de l’arrivée de « l’étranger » est-il introduit ? b- Le narrateur l’a-t-il utilisé pour introduire une description ou une narration ? c- Relevez des exemples du texte.
5. Compréhension : Répondez par vrai ou par faux et justifiez vos réponses.
A- l’étranger ressemble à un ange tombé.
B- il a un regard et sourire effrayants.
C- il est resté plusieurs jours dans le château.
D- la poésie que l’étranger chante, et son corbeau faisait peur à l’héroïne.
E- le narrateur compare l’étranger à un tigre, à un serpent.
6. Figure de style : a-Relevez quatre comparaisons. b- Remplissez le tableau suivant :
Comparés
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Comparants
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Outils de comparaison
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Eléments de comparaison
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c- Remplacez l’outil de comparaison par deux outils équivalents.
7. Compréhension : « Depuis ce jour, Edwige, la blonde Edwige ne fait que pleurer dans l’angle de la fenêtre. » Jusqu’à cette étape de l’histoire, le lecteur connaît-il la raison de la tristesse de l’héroïne ? Justifiez votre réponse.
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Expression écrite 1
Sujet : Pour quelles raisons on a souvent peur la nuit plutôt que le jour ?
Répondez à cette question en donnant votre point de vue.
Correction
1. Compréhension : a- Le personnage décrit au début du texte s’appelle : « Edwige ». Il est caractérisé par le mot : « blonde ».
2. Grammaire : a- La nature de ce mot : adjectif qualificatif, sa fonction : épithète. b- Deux mots de la même nature grammaticale que celui de la première ligne : « morne », « pâle » c- Ils n’ont pas la même fonction : ce sont des attributs : Elle est plus morne que le désespoir, elle est plus pâle que la statue d’albâtre qui pleure sur un tombeau ? d- Ils forment le champ lexical la tristesse.
3. Grammaire : a- Les deux premières lignes sont présentées par le type de phrase interrogative. b- D’autres phrases du même type : « Edwige, blonde Edwige, ne croyez-vous plus à Jésus-Christ le doux Sauveur ? Doutez-vous de l’indulgence de la très sainte Vierge Marie ? » c- Dans les deux cas, c’est : B- un narrateur omniscient. d-Justification : le narrateur sait tout sur son personnage : les questions sont rhétoriques(ne demandent pas de réponses).
4. Compréhension : Je remplis le tableau suivant à partir du texte :
Indicateur de temps
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Indicateur de lieu
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Personnage (visiteur)
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« …nuit-là… »
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« …au château… »
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« …un étranger… »
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5. Compréhension : a- Les mots qui ont une signification religieuse dans ce passage : « …Jésus-Christ … », « … la très sainte Vierge Marie ». b- Le narrateur fait allusion (référence) à la religion parce que : A- le personnage est hanté (ensorcelé) B- le personnage devrait faire confiance à Dieu contre les forces maléfiques.
6. Conjugaison : « ...cette goutte d’eau qui suinte des voûtes du rocher et qui à la longue use le granite... » a- Les verbes sont conjugués : au présent de l’indicatif. b- Leur valeur : présent de vérité générale. c- D’autres verbes de la même valeur : « …La pauvre Edwige a le cœur percé des sept glaives de la douleur ; un terrible secret pèse sur son âme. »
7. Compréhension : Le comte Lodbrog a promis deux récompenses à l’église s’il aurait un « fils » : « …un autel d’argent massif,… » et «… un ciboire d’or fin… ».
1. Compréhension : a- Le narrateur a fini par donner la raison des pleures de l’héroïne : la visite d’un étranger : « …un étranger est venu au château… » b- Il fait un retour en arrière par l’indicateur temporel : «…Il y a quelques moins… »
2. Compréhension : L’autre expression qui désigne « l’étranger » : « Cet étranger était un maître chanteur… »
3. Vocabulaire : a- Je relève le champ lexical de la peur : « terreur », « l’effroi », « un abîme », « scélérate », « perfide », « guette sa proie », « charmait », « serpent qui fascine l’oiseau ». b- L’arrivée du maître chanteur inspire la grande peur : la terreur.
4. Conjugaison : a- Le climat de l’arrivée de « l’étranger est introduit par l’imparfait de l’indicatif : « Il y a quelques moins, un étranger est venu au château ; il faisait un terrible temps cette nuit-là : les tours tremblaient dans leur charpente, les girouettes piaulaient, le feu rampait dans la cheminée, et le vent frappait à la vitre comme un importun veut entrer. » b- Le narrateur l’a utilisé pour introduire une description. c- Des exemples du texte : « …la tempête ne pouvait s’apaiser, et le vieux château s’agitait sur ses fondements… », «… il souriait doucement et regardait doucement, et pourtant ce regard et ce sourire vous glaçaient de terreur et vous inspiraient l’effroi qu’on éprouve en se penchant sur un abîme. »
5. Compréhension : Je réponds par vrai ou par faux et je justifie mes réponses.
A- l’étranger ressemble à un ange tombé. Vrai : « L’étranger était beau comme un ange, mais comme un ange tombé ;… »
B- il a un regard et sourire effrayants. Vrai : « …et pourtant ce regard et ce sourire vous glaçaient de terreur et vous inspiraient l’effroi… »
C- il est resté plusieurs jours dans le château. Vrai : « Il resta cette nuit, et encore d’autres jours et encore d’autre nuits,… »
D- la poésie que l’étranger chante, et son corbeau faisait peur à l’héroïne. Vrai : «…il chantait d’étranges poésies qui troublaient le cœur et donnaient des idées furieuses, un corbeau noir vernissé, luisant comme le jais, (…) et semblait applaudir en secouant ses ailes… »
E- le narrateur compare l’étranger à un tigre, à un serpent. Vrai : «… une langueur perfide comme celle du tigre qui guette sa proie, accompagnaient tous ses mouvements ; il charmait à la façon du serpent qui fascine l’oiseau. »
6. Figure de style : a- Quatre comparaisons différentes du texte:
« L’étranger était beau comme un ange, mais comme un ange tombé. »
« Edwige pâlissait, pâlissait comme les lis du claire de lune,… »
« Edwige rougissait, rougissait comme les roses de l’aurore,… »
« … le vent frappait à la vitre comme un importun veut entrer. »
b- Je remplis le tableau suivant :
Comparés
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Comparants
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Outils de comparaison
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Eléments de comparaison
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L’étranger
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un ange tombé
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comme
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La méchanceté
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Edwige
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les lis de claire de lune
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comme
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La grande pâleur
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Edwige
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les roses de l’aurore
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comme
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La grande rougeur
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le vent
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un importun
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comme
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La déplaisance
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c- Deux outils de comparaison équivalents : Pareille à, semblable à.
7. Compréhension : Oui, le lecteur connaît la raison de la tristesse de l’héroïne car le narrateur a déjà expliqué le motif (raison) des pleurs d’Edwige : la visite du maître chanteur qui a hanté les lieux à cause de sa musique et de son corbeau qui annonce le malheur.
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Expression écrite 1
Sujet : Pour quelles raisons on a souvent peur la nuit plutôt que le jour ?
Répondez à cette question en donnant votre point de vue. |